Feb 08, 2022
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Quand j'ai entendu François Legault répéter qu'on « allait devoir apprendre à vivre avec le virus », ça m'a fait penser à une histoire vécue.
Il y a quelques années, dans un bar, j'avais trouvé un moyen original et efficace d'expliquer ma maladie à quelqu'un qui ne connaît pas l'ostéogenèse imparfaite (c'est à dire 99,99% des gens que j'ai rencontré dans ma vie). Pas que je suis tanné de répondre à la question, mais la réponse officielle est un peu plate et j'étais un peu blasé de toujours raconter la même affaire :
Arghf... C'est compliqué... C'est de naissance, c'est une maladie génétique, mais mes parents étaient pas porteurs, mais mes parents sont vraiment mes parents, donc c'est une mutation pendant la grossesse, alors mes frères et ma soeur l'ont pas, mais moi oui... Bref, j'ai les os fragiles pis je peux fracturer plus facilement, mais c'était pire pendant la période de croissance quand j'étais jeune, pis y'a pas deux cas exactement pareils, mais comme je disais, c'est compliqué, etc.
Tout ça est très vrai, mais c'est une image à laquelle les gens ne peuvent pas vraiment s'identifier. C'est pourquoi j'avais plutôt trouvé une autre explication.
Voici une reconstitution plus ou moins exacte de la conversation :
— Imagine que les routes du Québec, c'est mon squelette.
— OK.
— Maintenant, imagine que le contracteur qui a fait mes routes, ben y'a fait une job de marde pis que c'est plein de craques pis de nids-de-poule partout.
— Ouais OK. Facile à imaginer ça!
— Ben, c'est ça. Mes os sont exactement comme des routes mal faites qui peuvent briser plus facilement.
— OK, OK.
— Mais c'est pas tout. Maintenant, imagine que mon corps est un peu épais, pis que quand y'a une route qui brise, il réengage toujours le même contracteur qui a fait une job marde pour patcher les craques pis les nids-de-poule au lieu de faire des bonnes routes de qualité qui vont durer.
— Ah ouain, hein!
— Ouais! Je suis pogné avec un contracteur de marde qui me fait des routes de marde, pis je peux pas le changer!
Même si le nombre de fractures que j'ai pu avoir au cours de ma vie se situe dans les trois chiffres, je suis quand même présentement dans que je pourrais qualifier de « bonne passe », puisque je ne me suis rien fracturé de majeur depuis deux vertèbres il y a environ 14 mois.
Ça ne m'empêche pas d'avoir beaucoup de douleurs chroniques à quelques articulations, mais rien à voir avec quelque chose qui ferait sortir du chômage les minuscules employés de BMBC Inc. : Bad Motherfuckin' Bones Cordey Inc.
Il ne faudrait toutefois pas que je sois aveuglé par l'optimisme de la situation actuelle. S'il y a une chose dont je suis certain, c'est que je vais me fracturer à nouveau un jour. Je ne sais ni quand, ni comment, ni quelle sera la gravité de la blessure, mais c'est clair : ça arrivera! En attendant, aussi bien essayer de vivre ma vie le mieux possible quand même sans que ça occupe toute la place dans ma tête en permanence.
Ce qui me ramène à « apprendre à vivre avec le virus ». Au point où on en est, c'est un peu la même chose. La question n'est plus de savoir s'il y aura une autre vague. Il y en aura une. La moment exact et la gravité restent inconnus, mais on est aussi bien de se faire à l'idée qu'elle existera et qu'il faudra y faire face avec toute la résilience nécéssaire lorsqu'elle se présentera.
N'y voyez pas ici un message libertarien fataliste et anti mesures sanitaires. Ce n'est pas parce que ça va arriver qu'on devrait pour autant « courir après le trouble ». On devra tous continuer de suivre les consignes pour minimiser les risques. Et moi, pour ne pas fracturer, je devrai éviter certaines choses comme... aller sauter en parachute, par exemple!
C'est ça qui est ça! Sur ce, bonne suite de pandémie à tous et à toutes!
Crédit photo : Réfection de la rue St-Paul dans le Vieux-Québec à l'été 2021 (en espérant que les travaux soient de bonne qualité). Photo par moi.
