À l'aube des deuxièmes Jeux Olympiques de Beijing qui débuteront le 4 février prochain, j'ai une pensée pour le voyage en Chine que j'ai moi-même fait en 2009, l'année après la présentation des jeux d'été. Le contexte était bien différent, puisque le discours en était un d'ouverture sur le monde avec les premiers JO présentés en territoire chinois. On était bien loin des discours actuels, de la COVID, des Ouïgours, de Huawei, etc. Encore à ce jour, je trouve difficile de bien expliquer à quelqu'un qui ne l'aurait pas vécu à quel point tout tourne autour de l'image dans ce pays.

Pour bien remettre en contexte, j'avais été invité à participer au festival annuel de la Beijing Film Academy où mon court-métrage produit lors de mes études à L'inis avait été accepté dans la programmation officielle, une sélection qui regroupait des films étudiants de partout dans le monde. La décision de partir à l'autre bout du monde seul en fauteuil roulant avait été difficile à prendre. La présentation des Olympiques dans la capitale chinoise l'année précédente avait été un grand argument en faveur d'un tel voyage puisque la ville qui reçoit les JO reçoit aussi quelques semaines plus tard les Jeux Paralympiques.

À cet égard, la Chine n'avait pas ménagé les efforts pour rendre accessibles ses infrastructures afin de bien accueillir les athlètes des quatre coins de la planète, peu importe leurs conditions. J'étais donc confiant qu'en voyageant l'année après les Jeux, le timing était parfait!

Oh la belle erreur!

Je vous rassure, ce voyage reste le plus beau et le plus marquant que j'ai fait dans ma vie, mais cela n'aurait sans doute pas été le cas sans l'aide de mes collègues rencontrés sur place provenant eux aussi d'ailleurs dans le monde.

Les exemples sont aussi nombreux que surréalistes : de la rampe à laquelle il y avait une marche pour accéder (oui oui, vous avez bien lu), à l'ascenseur des résidences où je logeais qui est tombé hors-service pour le reste du voyage deux jours après mon arrivée, en passant par les ascenseurs du métro qui ne fonctionnaient plus un an après leur installation pour les Jeux Paralympiques. Je donne également une mention honorable aux toilettes 100% accessibles du Palais d'été situées APRÈS un pont constitué de marches dans lequel on m'a porté. Non, il n'y avait pas d'autre chemin possible pour leur accéder.

À ce jour, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi drôle que quatre employés du métro de Beijing qui s'engueulent en mandarin autour d'un trousseau de clés à la recherche de celle qui va débarrer l'ascenseur, clé qu'ils n'ont malheureusement jamais trouvée en ma présence. Mais ce que je retiens de toutes ces aventures, c'est plutôt la question de l'image qui se retrouve derrière l'ensemble de ces adaptations publiques. Rien n'avait réellement été pensé pour être fonctionnel plus qu'au minimum, lorsque minimum il y avait. Imaginez maintenant cette mentalité à l'échelle d'une société complète pour comprendre à quel point l'importance de l'image projetée était au coeur de tout, tout simplement.

C'était, je le rappelle, il y a 13 ans...

Aujourd'hui, plus que jamais, la Chine a besoin de redorer son image. Les Jeux Olympiques tombent à point en ce sens, même s'il y a lieu de se questionner sur leur pertinence dans le contexte pandémique actuel. Laissons les compétitions sportives de côté un instant.

La Chine n'est pas la première nation à utiliser les Jeux comme exercice de relation publique à l'échelle planétaire. Dans la plus récente saison de son excellent podcast Les pires moments de l'histoire, Charles Beauchesne consacre un épisode aux Olympiques d'Hitler tenus en 1936, soit relativement peu de temps avant le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale. Lancez-moi des points Godwin tant que vous voulez, mais la Chine communiste et l'Allemagne nazie ont tout de même en commun d'être deux dictatures responsables de génocides. La revisite historique des Jeux de Berlin de 1936 apparaît plus que pertinente à l'aube de ce qui pourrait être l'édition la plus comparable d'un point de vue de propagande et d'exercice de relations publiques.

Pour la premières fois, certains journalistes et athlètes se passeront même de leurs ordinateurs et cellulaires personnels... par crainte d'espionnage! (J'en profite ici pour saluer d'éventuels espions chinois qui seraient tombés sur ce texte.)

On ne peut qu'espérer que les performances sportives arrivent à transcender le climat pandémique, économique et politique qui plane sur la présentation de ces Jeux. Pour la Chine et pour les athlètes, ils ont un sens. Pour le reste de la planète, il demeure une sorte de "mais pourquoi?" en suspens lorsqu'on se questionne sur leur pertinence dans le contexte actuel.

Cette fois, je n'irai certainement pas tester les ascenseurs du métro de Beijing l'an prochain pour savoir s'ils fonctionnent encore un an après les Jeux qui débuteront sous peu. Et aux quatre employés que j'imagine être encore en train de chercher la bonne clé en s'engueulant, il ne vous reste que quelques semaines avant le début des Paralympiques si vous ne voulez pas que toute cette attention que vous apportez à l'image de votre société vous rebondisse en plein visage!