Il n’y a pas beaucoup de frustrations qui égalent celle de devoir s’en remettre au temps pour que les choses se placent par elles-mêmes, comme lorsqu’on doit attendre que le corps répare une blessure physique. Ça nous place dans une drôle de perspective, celle de vouloir jouer avec la vitesse du temps plutôt que d’apprécier l’instant présent. Ce dernier ramène toujours à la surface les limitations ou la douleur, bien qu’elles soient temporaires. L’être humain aime être en contrôle. Devoir s’en remettre au temps, c’est l'une des pires formes de perte de contrôle qui soit. 

Je suis sorti de l’hôpital il y a à peine 10 jours, mais j’ai l’impression que ça fait déjà un mois. J’y suis resté deux mois et demi, mais j’ai l’impression que ça a duré huit mois. Pour être franc, les dernières semaines à l’hôpital ont été très éprouvantes mentalement, mais je suis tout à fait conscient que c’est plutôt l’accumulation des situations au fil des dernières années (et non ce contexte précis) qui ont joué avec mon cerveau. Depuis que je suis sorti (et surtout depuis que j'ai recommencé à bien dormir), je me sens beaucoup mieux.

Tout ça pour dire que je m’excuse si vous avez trouvé que je vous ai écoeuré un peu beaucoup avec mes nombreux posts de Wheelchair On Fire au cours des dernières semaines. En fait, j’ai utilisé ce projet-là comme une diversion pour mon cerveau. Pour oublier la douleur, pour passer le temps que je ne contrôlais pas, et parce ça me semblait plus constructif que de passer mes journées à regarder des vidéos de chiens sur Instagram ou écouter un énième podcast qui sombrera dans l’oubli face à l’avalanche de contenus qui nous submerge continuellement. La conséquence, c’est que je vous ai un peu inondé de tout ce que je faisais, mais sachez qu’il y avait des vertus thérapeutiques derrière ces apparences de spams continuels. 

Quand j’ai démarré le site web de WOF au mois de juin, je m’étais fixé des objectifs plus ou moins précis à accomplir d’ici la fin de l’année. C’était un peu comme de l’entrepreneuriat expérimental pour moi. Les circonstances ont fait en sorte que tout cela a pris beaucoup plus de place que prévu dans mon quotidien de par mon incapacité à faire autre chose en attendant de guérir complètement. J'y ai pris goût. Bien honnêtement, je ne pensais pas y trouver mon plaisir autant que ça. Septembre tire à sa fin, et j’ai déjà accompli beaucoup plus que ce que je m’étais fixé comme objectif pour l’année au complet.

La bonne nouvelle, c’est que les progrès sont considérables, autant pour ce qui est de ma guérison que pour l’avancement de WOF. La preuve, c’est que j’écris ce texte et que je n’ai pas mal au poignet droit. Comme humains, on est à l’image de ce que l’on construit : nous sommes et nous créons des « works in progress » perpétuels qui évoluent sous un sablier temporel incontrôlable.

Sur ces belles paroles dignes d’un concours littéraire de cégep, j’espère quand même que vous continuerez de suivre mes aventures. L’hiver approche, et les occasions de sortir en fauteuil roulant vont diminuer. Ça veut dire plus de temps pour réfléchir à des idées, pour écrire, en attendant la renaissance printanière, et celle de mon corps qui m’oblige à attendre et à m’occuper pour oublier la douleur…